Ma mère est comme une copine

Si l'on avait demandé à nos grands-mères quelle était la relation qu'elles avaient avec leur mère, je ne pense pas qu'elles auraient répondu que celle-ci était comme une amie. 

Bien évidemment, il n'y a pas de réponse à cette question. Cependant, beaucoup de femmes m'ont dit "j'envie celles qui ont une mère où leur relation est comme celle d'une copine". Sous cette phrase se projetait une image d'une mère qui saurait les comprendre, qui ne les jugerait pas, une mère souvent à l'opposé de ce qu'elles connaissaient, voire du manque de liberté qu'elles ressentaient. 

De l'autre côté, il y a celles qui disent être dans une relation de copines avec leur mère et qui n'ont rien à reprocher à cette dernière. Pour autant, une question se pose : que se cachait-il derrière cette relation en apparence si harmonieuse ? Etait-elle vraiment aussi idéale ? Chacune des protagonistes était-elle vraiment à sa place ? 

Une relation mère - fille engendre un lien de filiation par lequel la mère, au moins symboliquement, a un ascendant sur sa fille. Ce qui signifie qu'elle est une référente en termes d'éducation, en termes de limite. C'est ce qui fondera la capacité à sa fille à vivre sa vie en pensant par elle-même, en faisant ses expériences, à se différencier de sa mère, à pouvoir s'y opposer, c'est aussi ce qui forme un contenant sécuritaire pour sa fille. 

Oui, sa mère est une femme qui normalement la comprend, mais sa mère est d'une autre génération et, symboliquement, des enjeux différents sont engagés. 

C'est relativement récemment qu'est apparu ce concept de la mère copine, voire de la mère-fille comme des soeurs. Certaines publicités se sont emparées de l'idée et font poser la mère et la fille ensemble, habillées de la même manière. L'image est censée montrer une connivence entre la mère et la fille. 

Peut-être y-a-t-il une volonté d'effacer une différence de génération, de mode de pensée, voire d'opposition et de conflit. Mais cette image de relation "toute rose" entre la mère et la fille est loin d'être saine dans ce qu'elle génère. 

La jalousie mère-fille existe mais on l'évoque extrêmement peu. Mais si l'on creuse un peu le sujet chez les femmes, combien le disent "ma mère était jalouse de moi", surtout à l'adolescence. 

Lorsque la fille arrive à l'adolescence, elle devient femme et sa mère se retrouve non plus face à sa fille, mais psychiquement face à une femme. En fonction de son histoire, du vécu de sa propre adolescence, de sa vie de femme... elle peut tout à coup être confrontée à un sentiment de jalousie par rapport à sa fille. Sa fille qui est plus "belle" qu'elle, qui est plus "jeune" qu'elle. Cette mère a du mal à se voir avancer en âge et sa fille lui renvoie le côté éphémère de sa jeunesse. Soit cette mère en est consciente et fait le travail nécessaire ou bien projette toute cette frustration dans la relation avec sa fille. 

Toutes ces photos où mère et fille sont habillées de la même façon comme des soeurs ne dit rien d'autre que "je ne veux pas vieillir", je ne veux pas que "la beauté de ma fille efface ma propre beauté". Rappelons-nous le conte de Blanche-Neige, "miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle?". 

De là peuvent naître des relations toxiques où la mère devient intrusive ou bien tout à coup la mère va critiquer sa fille, ses relations... comme pour lui casser son univers parce qu'inconsciemment (voire consciemment dans certains cas), elle ne supporte pas de voir sa fille devenir femme. 

Avoir une bonne relation avec sa mère est une chose, avoir une mère copine en est une autre. On doit pouvoir avoir suffisamment confiance en sa mère pour lui dire nos difficultés, en revanche il doit y avoir une distance pour certaines choses et ce, autant d'un côté que de l'autre. Une mère n'a pas à raconter ses histoires de coeur à sa fille. Ce n'est pas une preuve de confiance, c'est un manque de limite. 

Avoir des relations conflictuelles avec sa mère n'est pas facile, mais permet une chose : une opposition dans la plupart des cas. 

Certaines femmes se souviennent de leur relation avec leur mère lorsqu'elles était une enfant. Elles étaient de vraies "poupées", c'est-à-dire une sorte d'objet qui correspond à la projection que l'on fait d'elle. Actuellement, c'est ce que l'on voit avec ces petites-filles qui à huit ans sont comme des adolescentes. Ce n'est pas avoir une bonne relation avec sa mère que de devenir une "petite-femme" dans son enfance parce qu'on est habillée, maquillée, peignée, non pas comme un enfant, mais comme une "femme miniature". Une petite-fille (comme un petit-garçon d'ailleurs) doit rester un enfant avec ce que cela comporte et son parent doit veiller à cela. 

L'enfant est un sujet à part entière. Il a un caractère différent de ses parents, il doit être respecté dans sa différence. On ne doit pas en faire un adulte miniature. Il a besoin de limites qui passent par des phases de frustration. Un équilibre doit donc être trouvé entre considérer son enfant comme un sujet et poser les bonnes limites. Une éducation sans frustration n'est pas possible au risque de déséquilibres graves à l'adolescence et à l'âge adulte. 

Sous cette bonne relation avec sa mère, il est donc nécessaire de regarder si elle ne masquait pas un manque de limites. Ce n'est pas évident pour un enfant de s'en apercevoir. C'est parfois adulte que l'on commence à s'apercevoir du déséquilibre, voire du côté malsain qu'il y avait dans la relation. 

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